lundi 12 octobre 2009

Travailleurs Haïtiens : Trafic et expulsions

Pourquoi des « braceros » (coupeurs de canne à sucre) haïtiens en République Dominicaine ?

Vers la fin des années 1970, les gouvernements dominicains et haïtiens ont signé un accord qui permet de faire appel à la main-d’oeuvre haïtienne pour la récolte de la canne à sucre. Christian Rudel dans son livre « La République Dominicaine » (p.82) écrit : " le texte du contrat pour l’importation de travailleurs agricoles ne parle pas d’achat, mais l’article 10 du marché pour la récolte de 78-79 stipule que le Conseil étatique du sucre (C.E.A., selon les initiales de l’appellation espagnole) s’engage « à payer au gouvernement haïtien la somme de un million deux cent vingt cinq mille dollars, en monnaie américaine (…) pour couvrir les frais engendrés par le recrutement de 15 000 ouvriers agricoles haïtiens et leur transport des centres de recrutement au poste frontière de Malpasse ". Suite aux crises politiques successives en Haïti, les passeurs ont pris le relais.

Comment s’organise le trafic ?
Une première classe d’intermédiaire se trouve en Haïti, elle a pour rôle de motiver et décrire la République Dominicaine comme un paradis terrestre. Elle encourage les migrants en difficulté à tenter leur chance pendant la période de zafra (coupe de la canne à sucre). Les futurs « braceros » se mettent d’accord avec le passeur pour le prix « du séjour ».

Comment traversent-ils la frontière ?
Selon l’enquête du GARR-Plate-forme VIDA : « la migration clandestine représente une source importante des revenus pour les trafiquants haïtiens et Dominicains. Il s’agit d’un trafic bien organisé et bien équipé, dans lequel sont mêlés des membres de l’armée dominicaine ».La deuxième classe d’intermédiaire se recrute parmi certains gardes frontières, cette proximité avec ces personnels facilite le passage des futurs « braceros ». Malgré cette complicité et pour réduire les coûts, les passeurs ne réservent pas un accueil de tout repos aux futurs travailleurs : empruntant des routes sinueuses à travers les montagnes, il arrive que ces personnes ne reçoivent ni eau et ni nourriture pendant leur transport. La troisième classe d’intermédiaire se trouve au moment d’attribuer les « braceros » dans les « bateyes » (plantations)

Il faut noter cependant que depuis quelques années, la migration haïtienne vers la République Dominicaine ne se résume pas aux seuls coupeurs de canne à sucre. De nombreux secteurs économiques dominicains sont soutenus par le travail des haïtiens clandestins. Maude Malengrez le souligne dans un article intitulé « Les Haïtiens soutiers du paradis dominicain » (Syfia Belgique) :« Exploitation, vexations et expulsions sont le lot quotidien des Haïtiens immigrés en République dominicaine. Ils y sont nécessaires à l’économie, mais ont le tort d’être noirs et pauvres. Les ultra-nationalistes dominicains veulent modifier la Constitution pour éviter toute intégration ».

Suivant cette réalité sous jacente, les gouvernements successifs dominicains arguent de leur principe de souveraineté pour expulser en masse des individus qu’ils jugent présents illégalement sur le territoire. Mais de nombreuses organisations internationales critiquent la brutalité et le non respect des normes internationales lors de ces expulsions dont l’armée est la principale animatrice. Il arrive souvent que des dominicains qui ont la peau foncée se retrouvent en Haïti suite à des rapatriements massifs du gouvernement. Dans son rapport de fin mars 2007 sur la République Dominicaine, Amnesty International, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale (le 21 mars), dénonce les violations dont sont victimes les migrants haïtiens.

Géographiquement, la frontière entre la République d’Haïti et la République Dominicaine est longue de 300 Km. Depuis 1994, date à laquelle Haïti a supprimé son armée pour cause de coups d’État à répétition, les rapports de force se sont modifiés le long de cette frontière, d’où de nombreuses spéculations et inquiétudes de part et d’autre. L’armée dominicaine est forte d’environ 24 000 hommes et femmes et elle absorbe 1,1% du PIB. Cette armée, leg de l’occupation américaine de 1916 à 1924, a été renforcée par les interventions successives des États-Unis dans les affaires intérieures dominicaines (en encourageant des coups d’État ou en intervenant militairement en 1965). L’armée dominicaine laisse penser qu’elle a pour rôle inavoué la protection des intérêts de la bourgeoisie, la défense de l’idéologie états-unienne et, en dernier point, la défense des idéologies des ultranationalistes dominicains.

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