lundi 1 février 2010

Hausse du prix du sucre: les cuisiniers changent de recettes

La semaine dernière, le prix du sucre a atteint un sommet en 29 ans sur les marchés internationaux, à plus de 30 cents US la livre. La précieuse denrée, dont le prix a doublé depuis un an, est une nouvelle source d'inflation et force l'industrie alimentaire à s'ajuster.
À l'été, quand les prix du sucre se sont mis à grimper, les industriels de l'alimentation se faisaient rassurants. Les contrats à long terme, signés avec leurs fournisseurs, les protégeaient des fluctuations des cours des matières premières. Dans le cas du sucre, l'ascension s'est poursuivie. Et les contrats doivent bien arriver à terme, un jour ou l'autre.
«Nos théories que les prix ne peuvent pas continuer à monter éternellement sont présentement mises à rude épreuve...» concède Jean-Marc Lemoine, vice-président à l'approvisionnement chez Biscuits Leclerc.

«D'habitude, explique-t-il, aussitôt qu'on atteint un niveau de prix qui nous satisfait, on signe un contrat à long terme.» Pour l'instant, les ententes sont plutôt prises à très court terme. Les cours du sucre sont surveillés, tous les jours, et donnent des cheveux gris à certains transformateurs qui commencent à se demander s'il ne serait pas grand temps de revoir les recettes.

Cette hausse du prix du sucre est toujours portée par une faible production mondiale causée par des intempéries dans les deux plus importants pays producteurs, le Brésil et l'Inde. Parallèlement, plusieurs marchés, dont la Chine et certains pays africains, ont la dent plus sucrée qu'auparavant. Résultat: la semaine dernière, on a annoncé, encore, un prix record pour la livre de sucre.
«À ces prix-là, la demande va finir par écraser», lance Jean-Marc Lemoine, de l'usine du Tennessee de Biscuits Leclerc.

Lorsque le prix des denrées alimentaires est très élevé, explique-t-il, les agriculteurs plantent davantage les cultures plus payantes. À la longue, l'offre finit par surpasser la demande, et les prix baissent.

Mais d'ici cette chute des prix tant espérée, il faut préparer des plans B.
Première option: augmenter les prix«Dans un contexte où l'économie vit une période difficile, on ne peut pas vraiment augmenter le prix des produits», tranche Georges Gaucher, président des crèmes glacées Lambert.

Dans le cas de la crème glacée, il y a aussi l'option de créer de nouveaux produits, moins sucrés. «On pourrait faire une nouvelle recette de crème glacée aux fraises avec beaucoup de fruits, explique Georges Gaucher. Mais avant de lancer un nouveau produit, il faut calculer tous les coûts liés à sa conception. Ça coûte beaucoup d'argent, placer un nouveau produit sur les tablettes des épiceries.» Ça prend aussi beaucoup de temps, note l'homme d'affaires. Si les prix du sucre diminuent entre-temps, l'opération aurait été inutile. «Les consommateurs sont aussi très fidèles à nos produits vedettes», explique pour sa part Jean-Marc Lemoine, de Biscuits Leclerc. Ils veulent retrouver les mêmes produits à l'épicerie, semaine après semaine, et pourraient même en tenir rigueur aux fabricants qui décident de stopper la production d'un produit pour un similaire, explique-t-il.
Le sirop de maïs

Autre option: garder le même produit, modifier la recette. Avec le sucre, les choses ne sont pas simples. Les produits sucrants sur le marché sont généralement plus chers, à l'exception du sirop de maïs à haute teneur en fructose. Mais celui-ci a bien mauvaise réputation. Très présent dans les produits sucrés commerciaux, on l'a directement lié à l'épidémie d'obésité.
«Utiliser le sirop de maïs, c'est un peu comme si on mettait du gras trans dans la crème glacée», compare Georges Gaucher. Lambert a donc décidé de conserver le sucre, alors que chez Leclerc, on a choisi de le remplacer par le sirop de maïs à haute teneur en fructose dans certains produits.
Les fabricants qui restent fidèles au sucre pourraient être tentés de compenser la hausse de son prix en substituant plutôt la matière grasse. «On pourrait cesser de faire de la crème glacée et faire un dessert glacé», explique Georges Gaucher.

Pour qu'un produit puisse porter le nom crème glacée, il doit contenir au moins 10% de gras animal. Lambert utilise du beurre; d'autres choisissent la crème. «On pourrait utiliser de l'huile de noix de coco ou de l'huile de palme, précise M. Gaucher. Si un client nous le demandait, on le ferait pour lui, mais on ne veut pas le faire pour la marque Lambert.»

Certains fabricants ont déjà modifié leurs recettes et le nom de leurs produits. Les consommateurs s'aperçoivent-ils du changement? «Malheureusement non, répond Georges Gaucher. Le contenant est de la même couleur et les consommateurs ne prennent pas le temps de vraiment regarder les contenants ou de lire les étiquettes nutritionnelles.»

Une autre modification échappe à l'oeil des consommateurs: la réduction des portions, au même prix.
«Certaines entreprises profitent d'un nouveau look pour subtilement réduire la quantité», rappelle Islem Yezza, auteur du blogue Pakbec qui s'intéresse à l'industrie de l'emballage. Le phénomène a été remarqué à la fin de 2008, alors que le prix des denrées s'emballait. Certaines multinationales ont depuis emprunté cette avenue. Leclerc y songe. «Ça pourrait être une option qu'on serait forcés de prendre pour conserver nos marges», confie Jean-Marc Lemoine. «Les consommateurs sont très sensibles aux augmentations de prix, mais ne remarquent pas s'il y a eu une réduction de la quantité. Surtout que parfois, il ne s'agit que d'un gramme ou deux», dit Islem Yezza, qui travaille présentement pour une entreprise d'emballage en France. La demande pour de nouveaux formats est toujours très forte, dit-il. En France, un magazine spécialisé en consommation a d'ailleurs formé l'Observatoire de l'inflation masquée pour répertorier les produits qui ont subi une subtile cure d'amaigrissement, tout en gardant le même prix. «C'est tout à fait légal, estime Islem Yezza, mais en fait, c'est de l'inflation masquée!»

Source: http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/fabrication/201002/01/01-944975-hausse-du-prix-du-sucre-les-cuisiniers-changent-de-recettes.php

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