lundi 14 septembre 2009

Haïti/Migration: renforcement des barrières et de la traite

P-au-P, 14 sept. 09 [AlterPresse] --- Le Groupe haïtien d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr) décrit un contexte national et international qui interagit avec la multiplication des voyages clandestins, dans son rapport sur la situation des migrants haïtiens en 2008, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

Tour à tour, l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique ou le Canada, pour ne citer que ces pays, ont pris une série de mesures qu’ils affichent comme nécessaire à leur sécurité nationale pour restreindre la migration sur leur territoire.

Ce qui tend à faire avancer surement, et pas si lentement que cela, vers une criminalisation de la migration dans les pays d’accueil.

La France a établi un accord de réadmission qui vise le renvoi des sans papiers haïtiens vers leur pays d’origine.

Appelé « Pacte de gestion concertée des flux migratoires et co-développement », cet accord de réadmission a déjà soulevé l’hostilité des organisations de défense des droits humains en Haïti comme en France.

Pour celles-ci, il s’agit ni plus ni moins d’une atteinte aux droits civils de ces migrants et à la souveraineté nationale du pays. La signature de cet accord est prévue pour le courant de cette année. En attendant, des chiffres sont là pour indiquer la tendance : 67% de ressortissants haïtiens ont été reconduits de la Guyane en 2007.

Aux États-Unis d’Amérique et au Canada, on assiste au renforcement des contrôles frontaliers et au durcissement des plans de reconduction. Les patrouilles maritimes se renforcent également dans les Antilles britanniques, selon le rapport du Garr.

Aux îles Turks et Caïcos et en République Dominicaine, les contrôles d’identité sont fréquents et conduisent souvent à des déportations.

Ce durcissement des politiques de ces pays à l’égard des migrants n’est pas sans conséquence sur leur situation.

Le haut commissariat des Nations Unies sur les réfugiés (HCR) parlait en 2008 « d’impact négatif sur la situation de 31 millions de migrants et de demandeurs d’’asile dans le monde, presqu’au même titre que l’explosion des conflits internes armés ».

De plus en plus massifs, les rapatriements touchent 452 haïtiens et haïtiennes des îles caribéennes pour le seul mois d’août 2009, selon un bulletin de l’Office national de la migration (Onm).

En territoire dominicain, ce nombre s’est élevé à 15 343 en 2008 avec en moyenne 42 personnes par jour, indique le Réseau frontalier Jeannot Succes (Rfjs).

Renforcement de la traite et du trafic d’êtres humains

Deux phénomènes plus souterrains tendent, au milieu de cet univers de non-droit, à prendre de l’ampleur : la traite des êtres humains et le trafic des migrants.

On estime qu’en 2008, 37 896 haïtiens et haïtiennes ont été victimes de trafic sur plusieurs points de la frontière haitiano-dominicaine.

Malgré les plaidoyers sur la question et quelques avancées, notamment la création d’une commission interministérielle sur la traite et le trafic, il n’existe encore aucune législation qui permette au moins un recours pour les victimes en Haïti.

Les groupes vulnérables tels les femmes et les enfants, sont souvent victimes de violences sexuelles et forcés de se soumettre à des activités liées à la traite.

3151 enfants et 8650 femmes ont ainsi été livrés à des trafiquants en 2008 à la frontière. Ces enfants sont souvent passés au portail frontalier au vu et au su des autorités des deux pays, note le rapport du Garr.

Selon l’organisation, les personnes vulnérables à la traite et au trafic sont surtout les enfants de familles pauvres, les femmes pauvres et cheffes de famille, les paysans sans terre et les jeunes des milieux ruraux et urbains incapables d’accéder au marché du travail.

« J’avais deux enfants, leur père était décédé. Je me demandais ce que j’allais faire pour les envoyer à l’école. Tout a coup, un homme m’a proposé de me rendre en République Dominicaine, à la recherche d’un mieux-être. Ainsi, j’ai décidé d’aller là-bas. J’ai vendu pour 3000 gourdes les deux chèvres de mes enfants, et j’ai donné l’argent au passeur », témoigne une victime.

« Au cours du voyage, à Belladère (plateau Central, Nord-Est), 15 autres hommes sont montés a bord. Après avoir franchi la frontière près d’Elias Pina, le passeur nous a demandé de descendre. Il m’a alors déclaré que si je n’acceptais pas de coucher avec lui, je n’arriverais pas à destination. Face à cette situation j’ai dû céder. Son forfait terminé, un autre arriva et me viola. Plusieurs autres hommes ont fait de même. Lorsque j’ai commencé à me plaindre disant que je ne pouvais plus, l’un deux m’a battue et a déchiré mes vêtements ».

La frontière Nord représente la zone privilégiée pour ces actes de trafic ou de traite. Le rapport chiffre à 21 313 le nombre de personnes victimes de trafic dans cette zone, à la différence des régions ouest, sud et centre ou on ne compte en tout « que » 16 000 cas environ.

Les voyages clandestins maritimes sont plus fréquents en début d’année, soit autour des mois de janvier, février et avril.

A côté des périls de la frontière terrestre, il y a ceux de la mer. 106 personnes ont péri au cours de ces voyages hasardeux entre 2007 et 2009, selon l’Onm.

Pire, les femmes qui refusent de se plier au viol, imposé par le capitaine du bateau, comme les malades, sont jetés à l’appétit des requins sans plus de formalité.

« Ces voyages sont considérés par les migrants-es comme la seule opportunité de fuir la misère et d’améliorer leur condition de vie. Les trafiquants profitent de cette vulnérabilité pour encourager les populations à voyager dans des conditions déplorables et sans espoir d’arriver à destination puisque les gardes-côtes américains et caribéens sont de plus en plus présents dans les eaux de la Caraïbe », lit-on dans le rapport du Garr.

La situation nationale est en effet hautement favorable à ces voyages clandestins.
« 2008 représente pour Haïti une année de grandes épreuves et cela, à tous les niveaux : politique, économique, social, humanitaire et environnemental ».

C’est l’année de l’éclatement des émeutes dites de la faim (avril 2008), suivi du passage meurtrier de quatre ouragans, ceci dans un contexte de vide gouvernemental. [kft mm apr 14/09/2009 10:00]

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