jeudi 15 octobre 2009

Nous et notre péché d´omission

L´histoire se charge de juger et de condamner les péchés d´omission d´une génération. Quand les générations futures nous jugent, privées de passion et séparées de tout intérêt qui n´est autre que la vérité, il s’agit de nous, les contemporains, dans les affaires dominico-haïtiennes, qui avons le pouvoir d´influencer la course, de sauver la vie, de restituer la dignité des victimes et d´éviter des remords dans la conscience des victimaires. Nous ! Nous serons coupables de par notre légèreté et péché d´omission.

Nombre de faits étranges surviennent à chaque moment de l´autre côté du Quisqueya: des crimes, des violations sexuelles, de graves atteintes morales –surtout dans le cas des étudiants universitaires- qui fort souvent impliquent une destruction interne des victimes. Le citoyen d’une nationalité ou l’autre peut être la victime ou le bourreau. Cela se passe sous nos yeux, sous les yeux des autorités concernées, avec une relative indifférence, laquelle dévoile dans plus d´un cas, une certaine confabulation de notre part et surtout, faut-il insister, de la part des autorités.

Pour avoir agit à demi-mesure, pour avoir fait la sourde oreille, il n’est pas étonnant que nous commettions des péchés par omission et que nous ayons à justifier notre inaction un jour aux générations futures. Il est certain que dans les pays frontaliers, les conflits sont toujours d´actualité. C’est pire encore quand il existe un déséquilibre socio-économique prononcé d´un côté par rapport à l´autre. C’est le cas de nombreux pays de l´Amérique du Sud, comme le Mexique versus les États-Unis. Malgré l´installation d´un mur entre ces deux pays, c’est un lieu de conflits permanents, devenu un lieu pour la production des crimes en série hollywoodienne, un mur de lamentations !

Revenons au but. Je reconnais que rien ne peut empêcher la République dominicaine de mener des rapatriements des personnes séjournant illégalement dans son pays que lui confère sa souveraineté en tant qu´État libre et indépendant. Parallèlement à cela, je suis contre tout processus arbitraire de rapatriement. Je suis également contre toute faute concernant les droits fondamentaux, à la dignité du citoyen de n´importe quel État sur le territoire dominicain ou ailleurs. Peu importe si cela inclut la population de cet état. Quand on parle de dignité et de droits fondamentaux, on pense à l’Être humain, indépendamment des caractéristiques sociales (nationalité, couleur, race…) qui le définissent. On ne peut empêcher le rapatriement. Par contre, pour ceux qui sont déjà sur le territoire, il faudrait que leurs droits soient respectés pendant qu’ils y sont.

En effet, aussi bien en République dominicaine qu´en Haïti, la violence est partie prenante du quotidien et ce, dans des cas que nous préférons ne pas relater ici. Quand aux actions cruelles entre citoyens d´un même pays, les autorités prennent souvent des mesures tant pour réprimander les auteurs que pour éviter de possibles contages. Quand les citoyens des deux pays sont impliqués dans le même contexte de violence, cela prend une toute autre dimension. Qu´un Haïtien soit victime sous la main d´un dominicain ou l’inverse, certes cela génère un enjeu diplomatique, mais vu la situation sui generis du « système dominico-haïtien », cela ne devrait pas aller au-delà de l´application des mesures établies. Mais malheureusement ce n´est pas le cas.

Quand un Haïtien est victime d´un victimaire dominicain, cela d´ordinaire, ne semble pas préoccuper les autorités en place. On m´a raconté le cas d´un haïtien qui a été mortellement victime d´un coup de planchette d´un dominicain, alors qu’il faisait sa toilette tôt le matin avant de vaquer à ses activités routinières. Malgré tous les efforts des proches de la victime, le victimaire n´avait même pas à se cacher des autorités militaires de la zone, même si ces dernières avaient reçu la plainte. Cela s´est passé à Bávaro, à l´Est de Santo Domingo.

Lorsque le victimaire est un Haïtien et la victime un dominicain, toute une population d´Haïtiens devra payer la faute de leur compatriote. Malgré que cette situation défraye les chroniques, les résultats sont toujours les mêmes : délocalisation, rapatriement (sous peine du pire, une pratique commune aux autorités dominicaines de la migration), carbonisation des manoirs après les avoir vandalisés, et tant d´autres choses.

On peut alors se poser la question de savoir combien vaut une vie haïtienne par rapport à une vie dominicaine. Le cas suivant servira à corroborer ma question et pourra un jour être une réponse.

À Santo Domingo, une jeune infirmière haïtienne, originaire des Gonaïves, m´a raconté comment, un 27 février, elle aurait pu être la victime d’un dominicain de souche, conducteur d´une voiture de transport publique sur la route ce jour-là. Des témoins ont rapporté que le dominicain s’était donné comme objectif de tuer pas moins de dix haïtiens parce qu´un haïtien avait fracassé ses vitres par un jet de pierre. Voici le récit de l’infirmière haïtienne tel qu’elle l’a vécu.

« Je traversais la rue pour prendre une voiture de transport publique en direction de mon université. J´en ai stoppé une qui passait et le conducteur s´est arrêté. La voiture avait toutes les indications nécessaires d´un véhicule de transport publique qui de manière accoutumée fait ce trajet. Il ne s´agissait pas de ces conducteurs illégaux qu’on nomme aussi « pirates ». Lorsque je fus installée dans la voiture, rejoignant d’autres passagers, le conducteur m´a demandé si j´étais haïtienne, et j´ai répondu affirmativement. Cela suffisait pour qu´il s´arrête ! Il est passé au côté de la portière où j´étais assise, m´a prise au cou, m´a sortie de la voiture et il a retiré un pistolet de sa ceinture avec l’intention de m’abattre. N’eût été l’intervention d’un des passagers qui a violemment repoussé le bras du dominicain, provoquant ainsi la chute du pistolet à quelques mètres distants, mon nom serait d´actualité dans les journaux en ce moment».

Combien d´Haïtiens n’ont pas eu la même chance que cette jeune infirmière? Combien d’autres ont été victimes du dominicain suite à cet incident ? A-t-il atteint l’objectif qu’il s’était promis d’atteindre ?

Cette pratique, très fréquente dans la société dominicaine, met en évidence une certaine haïtianophobie à Santo Domingo, une certaine difficulté –si non impossibilité- historique dans la cohabitation des deux nationaux sur la Quisqueya. Néanmoins, bon nombre d´intellectuels dominicains, moins afférés à la passion aveugle qu´à l´impartialité dans le passage au crible des données pourvues par l´histoire commune des deux peuples, découvrent une « Haïti historique » que Santo Domingo ne saurait faire table rase sans renier sa propre histoire.

Les arguments fallacieux sur lesquels sont basés l´anti-haïtiannisme des ultraconservateurs dominicains, ne tarderont pas à se dévoiler.

Vous pouvez maintenant lire l’éditorial de La Machette sur le site d’Alter Presse, Réseau alternatif haïtien d'information du Groupe Médialternatif www.alterpresse.org

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