jeudi 22 octobre 2009

4. Cinq organisations nationales exigent une position ferme contre une campagne quotidienne de haine envers Haïti en Rép. Dominicaine

Dans une lettre ouverte au président René Garcia Préval et à la première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis, dont copie a été adressée à Ruben Sillié, ambassadeur de la République Dominicaine en Haïti, 5 organisations nationales de défense de droits humains demandent de mettre fin au silence observé par les autorités nationales sur l’ampleur d’une campagne intensive quotidienne de haine, sans cesse alimentée à l’égard d’Haïti et de ressortissantes et de ressortissants d’Haïti, en territoire voisin, par de nombreuses personnes, y compris par des officiels (fonctionnaires) dominicains.

Les organisations signataires mettent en garde contre les lourdes conséquences probables de cette campagne sans bornes, qui se traduisent souvent par de nombreux actes de violence, dont des assassinats, incendies criminels, rapatriements massifs et autres faits regrettables.
Elles mettent en question la position affichée par l’ambassade d’Haïti en République Dominicaine sur ces appels à la haine, tout en dénonçant l’attitude des médias qui répercutent les contenus discriminatoires de cette campagne tous azimuts contre les migrantes et migrants, dont l’apport a beaucoup contribué à placer la République Dominicaine dans la situation de développement économique qui la caractérise aujourd’hui.

Soumis à AlterPresse le 21 octobre 2009

Par le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), le réseau national de défense des droits humains (Rnddh), la plateforme des organisations haïtiennes de défense de droits humains (Pohdh), Tét kole ti peyizan ayisyen et la plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda)

Lettre ouverte aux autorités haïtiennes autour de la campagne haineuse perpétrée contre les Haïtiens/nes et leur pays en République Dominicaine

Port-au-Prince, le 21 octobre 2009

Monsieur le Président Préval,
Madame la Première Ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis,

Face à cette nouvelle campagne de dénigrement, déployée tous azimuts contre les ressortissants haïtiens/nes en République Dominicaine, nous, organisations signataires de cette note, nous vous demandons, en tant que Chef d’État et Cheffe de gouvernement, de prendre toutes les dispositions pour éviter de nouvelles attaques contre les migrants haïtiens, comme cela s’est produit en maintes occasions dans le passé.

Nous vous rappelons que, souvent, après de telles campagnes, une série d’incidents regrettables ont été enregistrés, tels des assassinats, des incendies criminels et des rapatriements massifs.
En tant que représentants de l’État haïtien, vous avez la responsabilité de demander aux autorités voisines pourquoi elles ont toléré, de la part de plusieurs personnes dont des fonctionnaires de l’État dominicain, des excès de langage contre un peuple et un pays voisins qui ne sont pas en conflit ouvert avec eux.

Pourquoi certains groupes ont-ils autant de facilité à se servir des médias pour alimenter leur campagne de haine contre les migrants/es haïtiens qui, pourtant, ont grandement contribué à faire de la République Dominicaine ce qu’elle est aujourd’hui.

Même si des Haïtiens/nes vont en territoire voisin en quête d’une vie meilleure, même si Haïti vit aujourd’hui des moments difficiles, cela ne justifie pas que Vous, autorités publiques, vous fermiez les yeux, et que vous consentiez à accepter n’importe quelle déclaration avilissante à l’encontre d’Haïti et du peuple haïtien sans réagir.

En ce sens, nous nous demandons quel est le rôle de l’ambassadeur haïtien en République Dominicaine ? Pour qui travaille-t-il ? Qui représente réellement Haïti dans ce pays et qui défend sa dignité ?

Monsieur le Président de la République, Madame la Première Ministre, nous attirons votre attention sur cette campagne qui s’accentue chaque jour en République Dominicaine contre les Haïtiens et contre Haïti, afin de prévenir les actes de violence qui pourraient en résulter et éviter que vous les considériez comme des actes isolés.

Une telle campagne de dénigrement, attentatoire à la dignité des migrants/es et des Haïtiens/nes, est condamnée par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en son article 4 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’article 20-2.

Ces deux accords internationaux sont signés et ratifiés par Haïti et la République Dominicaine, par lesquels les deux États se sont engagés à prendre des dispositions pour combattre tout acte ou toute pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions sur leur territoire.

Dans son article 4-a, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale considère comme des « délits punissables par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement ».

Pour sa part, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans son article 20-2, déclare : « Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. »
Quand des États-partie des Conventions ne réagissent pas aux actes discriminatoires ou encore y prennent part, ils deviennent responsables de toute violation des droits de la personne commise dans ce cadre précis.

La presse haïtienne a déjà publié une liste d’articles à contenu discriminatoire sur les Haïtiens/nes et leur pays en République Dominicaine.
Réagissant à ces publications, le Service Jésuites aux Réfugiés et Migrants (Sjrm), basé à Santo Domingo, a, dans un communiqué, invité les médias à réfléchir sur les lourdes conséquences que peuvent provoquer les articles de dénigrement qu’ils publient.

L’organisation a demandé à la population dominicaine de rester éveillée face à cette campagne malsaine, observée tous les jours au niveau des médias, une campagne qui, selon l’institution de droits humains, rentre « dans un plan qui vise à détourner l’attention des Dominicains/es sur les graves problèmes sociopolitiques qui affectent le pays ». (Source : El Nuevodiario, 8/10/2009).
Face à cette situation qui tend à s’amplifier, nous vous demandons, en tant que Chef d’État et Cheffe de Gouvernement de :
• Mettre un terme à ce silence et produire une déclaration publique sur les attaques quotidiennes relevées dans la presse contre les Haïtiens/nes vivant en République Dominicaine et sur diverses mesures restrictives annoncées, qui peuvent avoir des conséquences sur les rapports de bon voisinage existant entre Haïtiens/nes et Dominicains/es demeurant dans les communautés frontalières ;
• Nommer un nouvel ambassadeur en République Dominicaine pouvant défendre la dignité du pays et ses intérêts ;
• Doter les consulats haïtiens en République Dominicaine de moyens pouvant leur permettre d’accompagner adéquatement les migrants/es haïtiens en difficulté ;
• Redynamiser la Commission Mixte haïtiano-dominicaine qui est un espace important où les deux États peuvent discuter et prendre des dispositions sur des questions-clés qui concernent les populations de l’île, sans excès de langage ni propos avilissants.
Nous espérons, en tant qu’autorités étatiques, que vous allez prendre en considération notre inquiétude et notre appel pour empêcher une recrudescence des actes de violence contre les Haïtiens/nes vivant en République Dominicaine.
Monsieur le Président de la République, Madame la Première Ministre, si rien n’est fait pour freiner cette dérive, l’histoire tiendra pour collectivement responsables l’État haïtien et l’État dominicain de toutes violences perpétrées contre les migrants/es haïtiens suite à cette campagne.
Avec nos respectueuses salutations.

Organisations signataires :
1. Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (Garr)
2. Réseau national de défense des droits humains (Rnddh)
3. Plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (Pohdh)
4. Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen
5. Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda)
Pour authentification :
Serge Lamothe, Président du Conseil d’Administration de Garr
C.C. : Ruben Sillié, Ambassadeur de la République Dominicaine en Haïti

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